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Perdus entre deux rives, les Chibanis oubliés voir ce film 2160p

Les Chibanis, travailleurs immigrГ©s algГ©riens venus en France durant les Trente Glorieuses, tГ©moignent de leur histoire et racontent l'impossible В«retour au bledВ».

Critique du 28/06/2014

Par Marie Cailletet

Arrimés aux tables des bistrots pour d'interminables parties de dominos ou aimantés par la moindre flaque de soleil au hasard des bancs publics, ils semblent laisser s'effilocher le temps. Eux, ce sont les chibanis, ces vieux travailleurs immigrés, venus en France pour échapper à la misère, nourrir leurs familles restées au bled, et qui désormais se retrouvent seuls. Car fut un temps, pas si lointain, des années 1950 à 1970, où la France, par la voix de ses ministres, reconnaissait tout de go « leur présence bénéfique et indispensable àla croissance économique, aux enjeux de reconstruction et de développement du pays ».

Au creux de la guerre d'Indépendance ou au mitan des Trente Glorieuses, Salah, Ahmou, Sebti, Abdallah. ont donc franchi la Méditerranée, s'arrachant à leur Algérie natale. Persuadés que l'exil ne durerait qu'un temps. Cinquante ans plus tard, parce qu'ils n'ont pas pu, faute de salaire et d'hébergement décents, faire venir les leurs au titre du regroupement familial, ils se retrouvent englués dans un douloureux entre-deux. « Là-bas, je suis un émigré, ici, un bougnoule. C'est con », grince Tahar. Pères-mandats, ils n'ont pas vu grandir leurs enfants, les liens se sont distendus et les voilà échoués dans les foyers sociaux de la cité phocéenne. « Travailler toute sa vie pour sa famille puis se retrouver seul, ça fait très mal », note Salah.

Entrelaçant témoignages des chibanis et de la magnifique responsable du foyer, archives d'actualité et maigre butin photographique personnel, le film, fort d'empathie, de respect et d'attention, déroule chronologiquement le contexte historique, de leur arrivée à la solitude qui teinte leurs derniers jours. S'attardant sur les visages, les mains, il donne à lire la souffrance d'une vie en rupture, d'une errance que rien ne pourra interrompre. Pas com­plètement d'ici, plus vraiment de là-bas, « on va rester au milieu de la mer », plaisante Salah. — Marie Cailletet